COVID-19 : « Le risque est grand de voir le trafic humain et la servitude pour dette s’amplifier en Inde »

27 juillet 2020

Crédit photo : Naïade Plante/Aide et Action

Umi Daniel, Expert Migration pour Aide et Action, prend la parole sur le blog du Times of India pour dénoncer l’impact du Covid-19 sur les conditions de vie, déjà dramatiques, des migrants indiens. Face au risque accru de trafic humain, Aide et Action appelle le gouvernement indien à mettre en place le plus rapidement possible des mesures de protection sociale et d’accompagnement à l’emploi pour soutenir cette population vulnérable. 

La pandémie de Covid-19, qui a mis à l’arrêt l’économie mondiale, est aujourd’hui reconnue comme l’une des pires crises qu’ait connues le monde depuis la Seconde Guerre.  Partout sur la planète, l’économie a connu un brutal arrêt, entraînant la perte de millions d’emplois, notamment pour les personnes les plus vulnérables. En Inde seulement, près de 400 millions de travailleurs dans l’économie informelle pourraient ainsi glisser dans une pauvreté extrême, alerte Umi Daniel dans une tribune « Perils of the pandemic and clouds of human trafficking » publiée sur le blog du Times of India

Les populations vulnérables face aux conséquences dramatiques du COVID-19

Les migrants indiens représentent une très grande majorité de ces travailleurs de l’économie informelle. Sans terre, ni bien, ils se déplacent d’état en état pour trouver des emplois saisonniers. En dépit de la loi sur les travailleurs migrants interétatiques, adoptés en 1979, pour réglementer et protéger leurs droits, ces migrants inter-états sont restés des citoyens de seconde zone, au mieux méprisés et le plus souvent simplement oubliés des gouvernements successifs. Sans aide, ni protection sociale, le plus souvent privés d’état civil, ils sont laissés aux mains d’intermédiaires qui n’hésitent pas à les transporter, à les exploiter, et à les vendre aux secteurs les plus en demande de main d’œuvre comme les briqueteries, le bâtiment et l’industrie textile. Il n’est pas rare aujourd’hui de voir les briqueteries ou site de constructions faire la une des journaux pour recours généralisé au travail forcé et à la servitude pour dettes.

Sorties de l’ombre mais démunies

La pandémie de COVID-19 a paradoxalement mis en lumière le quotidien de ces migrants, qui, dans l’ombre et le mépris le plus total réalisaient jusque là toutes les basses besognes du pays. Le grand public, au travers des reportages, a découvert la vie de ces travailleurs malheureux, sans un sou, coincés avec femmes et enfants loin de leurs villages d’origine, forcés le plus souvent de marcher des centaines de kilomètres pour retrouver leurs plus proches familles durant le confinement… Ce sont ainsi près de 6,7 millions de travailleurs migrants, qui sont ainsi retournés chez eux dans des conditions probablement très difficiles. Nous ne savons cependant rien ou presque de ces conditions, encore moins de tous ceux, adultes ou enfants- travailleurs du sexe, migrants, travailleurs domestiques ou de l’industrie textile- qui ont ainsi été exploités.  

Le trafic humain risque de s’amplifier

Face à la crise économique sans précédent que connaît le pays, les migrants sont laissés sans ressources, privés de tout accès aux services sociaux de base. Démunis, beaucoup sont d’ores et déjà de retour dans les grandes villes, prêts à tout pour gagner quelques sous. Le risque est grand aujourd’hui de voir le trafic humain et la servitude pour dette s’amplifier. La Recommandation n°205 sur l’emploi et le travail décent au service de la paix et de la résilience adoptée par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) en 2017 exige que les gouvernements veillent à ce que les groupes marginalisés « choisissent librement un emploi » pendant les mesures de reconstruction et de réhabilitation après toute catastrophe. Tel n’est pourtant pas le cas aujourd’hui en Inde. Il est donc impératif que le gouvernement indien s’attaque à cette situation et mette en œuvre le plus rapidement possible des mesures d’accompagnement à l’emploi et de protection sociale afin de garantir la sécurité et le bien-être des migrants et plus largement de toutes les populations vulnérables.

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