COVID-19 : Les mesures barrières à l’épreuve des réalités africaines

12 mai 2020

Crédit photo : Vincent-Reynaud Lacroze

Faute de traitement contre le COVID-19, les États africains se voient, eux-aussi, contraints de prendre des mesures sanitaires de prévention qui semblent bien loin de la réalité quotidienne des populations qu’ils dirigent. Alors que décision a été prise de rouvrir les écoles, Aide et Action – association internationale de développement par l’éducation travaillant en Afrique – s’inquiète de ce décalage et des multiples conséquences de la crise actuelle, notamment pour les plus jeunes.

Dès le début de la propagation de la pandémie, l’Organisation Mondiale de la Santé alertait : la crise du COVID-19 serait plus catastrophique en Afrique qu’ailleurs. 

Dès les premiers cas confirmés sur le continent, les États ont alors adopté, en urgence, des mesures sanitaires de prévention très strictes : couvre-feux, mise en quarantaine de nombreuses villes, fermeture des écoles, des frontières, des marchés, des bars/restaurants, forte réduction voire arrêt des transports en commun etc. 

Mais, si leur utilité n’est plus à démontrer, force est de constater que ces mesures ont été adoptées de manière systématique et appliquées sans adaptation possible aux réalités propres à chacun des contextes, pays, Territoires où elles sont actuellement mises en œuvre. 

Des moyens insuffisants face à l’ampleur des besoins 

Ainsi, l’obligation du port du masque est actuellement en vigueur au Bénin, au Togo, au Niger, au Burkina Faso, mais aucune solution officielle ne permet aux populations de se procurer, en quantités suffisantes, des masques répondant aux normes de protection requises. Les solutions individuelles et autres « plans B » se développent alors, sans aucune garantie de qualité. 

De plus, l’obligation du port du masque pour tous va probablement entraîner une hausse significative des prix. Or, du fait de la mise en place des mesures sanitaires, la majorité des populations urbaines burkinabés a perdu son emploi, souvent journalier. Faute de pouvoir acheter plusieurs masques (quand et s’ils sont disponibles), les familles risquent donc de se les partager. Dans les rues de Ouagadougou, les vendeuses de fruits se passent déjà le même masque, ainsi rendu inutile, pour tromper les contrôles de police. 

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Secteur informel à l’arrêt et violences  

Partout, le secteur informel africain est impacté par la pandémie de COVID-19 et ses conséquences. Alors que ce dernier représente plus de 85% de l’économie du continent  et nourrit des millions de familles, la crise actuelle le met à l’arrêt, générant ainsi d’importantes difficultés sociales et économiques. 

Au Togo, l’arrêt des motos-taxis a privé 500 000 jeunes de leur seule source de revenus. Certains ont décidé de braver l’interdiction et des courses-poursuites entre jeunes et forces de l’ordre, aux conséquences potentiellement dramatiques, ont eu lieu. Dans certains pays du Sahel, comme au Niger, des échauffourées ont opposé les forces de l’ordre aux habitants de plusieurs quartiers de Niamey et des émeutes ont éclaté dans plusieurs autres villes du pays. Au Burkina Faso, le procureur de la république a dû intervenir pour recadrer les forces de l’ordre et les inciter à n’agir que dans le strict respect de la Loi. 

Le gouvernement togolais a, quant à lui, décidé de mettre en place un fonds de compensation mensuel au profit de tous ceux ayant perdu leur activité en raison des mesures gouvernementales anti COVID-19. Cette initiative est novatrice mais sera-t-elle réellement efficace en termes de fiabilité statistique et d’identification des cibles ? En Afrique, aujourd’hui, face à la pandémie globale de COVID-19, le désarroi des populations est à la hauteur de l’impuissance des pouvoirs publics. 

Éducation en danger ?

Alors que la France se demande, aujourd’hui, si elle doit vraiment renvoyer ses enfants à l’école, au Burkina Faso, le gouvernement a sollicité les associations de femmes tisseuses de « Faso danfani » (tissu local), ainsi que l’unité de dotation en vêtements de l’armée pour confectionner des masques et ainsi équiper élèves, enseignants et personnel administratif pour la réouverture des classes, le 28 avril dernier. Mais ces moyens semblent bien éloignés des capacités de production et logistiques industrielles nécessaires pour couvrir les besoins de tout le pays. 

Pour Aide et Action, « éducation » ne doit pas devenir synonyme de « mise en danger ». Il est primordial de respecter le droit à la santé et à la protection des plus jeunes, notamment en milieu scolaire. Dans les pays africains, où les filets sociaux n’existent pas et où il n’est pas rare que les élèves soient plus de 60 par classe, le retour à l’école doit, là aussi, se faire dans des conditions de sécurité optimales. 

Parce qu’on ne peut pas compter sur l’unique – et vain – espoir du respect, impossible dans de telles conditions, des mesures préventives par les enfants, c’est bien à chaque gouvernement qu’il revient de prendre ses responsabilités et de contextualiser les mesures et décisions prises.

Dramane SESSOUMA, avec les équipes d’Aide et Action Afrique et France

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Association de développement par l’éducation, Aide et Action assure, depuis 40 ans, l’accès à une éducation de qualité pour les populations les plus vulnérables et marginalisées, en particulier les enfants, les filles et les femmes, afin que toutes et tous puissent maîtriser leur propre développement et contribuer à un monde plus pacifique et durable. Parce que nous favorisons l’apprentissage tout au long de la vie, nous portons une attention toute particulière à la protection et à l’éducation de la petite enfance, à l’accès et à la qualité de l’éducation aux niveaux primaire et secondaire, ainsi qu’à la formation professionnelle et à l’insertion sociale. Grâce au soutien de nos 47 000 donateurs, nous menons plus de 70 projets en Afrique, en Asie, en Europe – et notamment en France – pour plus d’un million d’enfants, de jeunes et d’adultes. 

En 2019, en Afrique, Aide et Action a mené 32 projets, dans 9 pays – Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Madagascar, Mali, Niger, Sénégal et Togo – pour près de 900 000 personnes. 

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