Rencontre avec Zahira, héroïne du film « Sur le chemin de l’école »

Rencontre avec Zahira, héroïne du film « Sur le chemin de l’école », aujourd’hui étudiante en France, et Wafa, présidente de l’association Relais Education Instruction Maroc (RIM).

Durant les vacances scolaires de la fin d’année 2017, alors qu’elle pouvait faire une courte pause dans ses études, Zahira BADI a accepté de rencontrer Aide et Action et de témoigner de son incroyable parcours après le succès du film documentaire de Pascal Plisson « Sur le chemin de l’école », César du meilleur documentaire en 2014.

Wafa SKALLI, présidente de l’association RIM (Relais Education Instruction Maroc), l’accompagnait. RIM, partenaire d’Aide et Action au Maroc depuis 2007, agit dans la vallée d‘Imlil, non loin de Marrakech, tant en faveur de la petite enfance que pour promouvoir l’éducation des filles dans cette zone rurale. Ainsi, RIM a créé le foyer de jeunes filles dans lequel étudiait Zahira lorsque le film a été tourné. Depuis l’arrivée en France de la jeune fille l’été dernier, les bénévoles de RIM l’aident dans ses démarches administratives et d’intégration, et l’association RIM lui alloue une bourse pour le financement de ses études.

Zahira avait 12 ans lorsqu’elle a rencontré Pascal Plisson. Elle en a 18 aujourd’hui. Zahira a obtenu son bac l’été dernier, avec une très bonne moyenne de 14/20, insuffisante toutefois pour entamer, au Maroc, les études de médecine dont elle rêve. RIM entreprend donc de longues et incertaines démarches au Maroc et en France qui aboutissent, finalement, quelques jours avant la rentrée de septembre 2017. Depuis, Zahira est inscrite à l’Université Paris 13.

Wafa se souvient : « L’obtention du bac a été pour Zahira un moment tristounet, car elle obtenait une moyenne suffisante pour l’école d’infirmières, mais il lui manquait deux points seulement pour pouvoir passer le concours d’entrée en médecine. RIM a donc décidé de lui donner un coup de pouce. »

Elle poursuit : « Quand elle était en classe de 1ère, Nous avons rencontré Isabelle DELMAS, de l’association née dans la continuité du film « Sur le chemin de l’école ». Isabelle nous a demandé comment il lui était possible d’aider Zahira, de la soutenir. Question posée directement à Zahira, celle-ci n’a rien demandé, ni pour elle, ni pour sa famille, ni pour ses amies ;  juste qu’un 2ème foyer de jeunes filles soit créé pour que davantage de filles de la vallée puissent étudier dans de bonnes conditions. ».  En effet, les foyers offrant un internat sont une condition indispensable pour que les parents des enfants vivant dans les zones les plus reculées les laissent poursuivre leur parcours scolaire dans un environnement sûr. Ainsi, les sœurs aînées de Zahira se sont arrêtées après l’école primaire, tandis que ses sœurs cadettes ont-elles aussi pu aller au collège et ce grâce à la mise en place du foyer où elles résidaient la semaine. Avant que le premier foyer d’Asni n’existe, une seule jeune fille du douar (village) de Tineghrine avait pu intégrer le collège. Elle  résidait chez sa sœur, à Asni, et n’avait donc pas à parcourir, chaque jour, plus de 2 heures dans la montagne pour pouvoir aller en cours.

En juin dernier, comme Zahira, sept lycéennes du foyer d’Asni ont obtenu leur bac. Pour RIM, il fallait continuer à les soutenir et à les aider à se projeter dans le futur. « On a cherché des solutions alternatives durant tout l’été » ajoute Wafa. A plusieurs reprises, l’équipe de RIM a rencontré les parents de Fadma, l’amie de Zahira, afin de les convaincre de la laisser poursuivre ses études. Fadma, qui avait obtenu 16 de moyenne au bac, étudie aujourd’hui à l’école d’ingénieur de Fes (groupe Insa de Lyon). Zahira se souvient avec humour que les difficultés ont commencé dès le bac obtenu : demander un visa, refaire son passeport à une semaine du départ, obtenir une bourse d’études et trouver une université d’accueil dans le même temps. Mais, depuis le succès du film à l’international, Zahira est devenue un symbole, au Maroc comme en France, et beaucoup de portes se sont ouvertes devant la volonté de la jeune fille qui a ému 1,6 millions de spectateurs français. Aujourd’hui, Zahira comprend et écrit bien le français.  Ses dernières difficultés à s’exprimer à l’oral s’effaceront vite grâce aux cours de conversation française qu’elle suit, parallèlement à ses études. La prise de parole n’est pas un problème en soi pour la jeune fille. Zahira a toujours su trouver les mots et la force de conviction nécessaires lorsqu’elle allait à la rencontre des parents, dans les douars, pour leur expliquer la nécessité d’envoyer leurs enfants à l’école.

« Après l’école primaire, nous pensions toutes rester à la maison », explique Zahira, « mais un été, nos parents ont rencontré Baadia, une animatrice communautaire du projet Aide et Action/RIM, qui leur a parlé du foyer. Mon père m’a alors encouragée à poursuivre mes études. Aujourd’hui, ma plus jeune sœur est en seconde, la question ne se pose plus, c’est devenu normal pour tout le monde d’aller au collège.» « Le Maroc est un pays de contrastes », renchérit Wafa. « D’un côté, Marrakech est le siège de la jet set internationale ; de l’autre, le déficit en éducation du pays est très important. » Elle poursuit : « Aujourd’hui, grâce à l’action conjointe de dynamisation sociale de RIM et d’Aide et Action, et au film, Tineghrine, le village de Zahira, est sur la carte. Et, qui sait, dans quelques années, peut-être y aura-t-il un hôpital, un médecin du nom de Zahira Badi ? On peut rêver. Mais pour qu’un rêve se réalise, il faut d’abord avoir la capacité de rêver… et de la persévérance. »

Zahira bénéficie d’une bourse de 650 euros par mois allouée par RIM, cofinancée par l’association Sur le Chemin de l’école. Mais le loyer de sa chambre universitaire s’élève déjà à 425 euros. Pour pouvoir l’aider à payer sa nourriture, ses fournitures scolaires etc. et assurer les années à venir, l’association « Sur le chemin de l’école » a lancé une cagnotte sur HelloAsso pour que toutes celles et ceux qui ont admiré le courage de Zahira et de ses deux amies à franchir les montagnes de l’Atlas pour aller étudier à Asni puissent continuer à la soutenir dans ses études de médecine en France. Aide et Action est heureuse de relayer cet appel à dons pour soutenir celle qui, à sa façon, a définitivement changé le paysage éducatif de la vallée marocaine de l’Imlil.

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